lunes, 12 de noviembre de 2012

El poeta como arqueólogo que libera la vida interior

 
Michel Thomas Houellebecq
(Saint-Pierre, Isla de la Reunión, 1958)
 
LA PEAU
 
La peau est un objet limite,
ce n'est presque pas un objet.
Dans la nuit, les cadavres habitent.
Dans le corps habite un regret.
 
Le coeur diffuse un battement
jusqua'à l'interieur du visage.
Sous nous ongles il y a du sang.
Dans nos corps, un movement s'engage.
 
Le sang surchargé de toxines
circule dans les capilaires.
Il transporte la substance divine.
Le sang s'arrête et tout s'éclaire.
 
Un moment d'absolue conscience
traverse le corps douloureux.
Moment de joie, de pure présence:
le monde apparaît à nos yeux.
 
 
 
LA PIEL
 
La piel es un objeto limitado,
no es casi ni un objeto.
En la noche, los cadáveres habitan.
En el cuerpo habita un lamento.
 
El corazón difunde un latido
hasta el interior del rostro.
Bajo nuestras uñas hay sangre.
En nuestro cuerpo se inicia un movimiento.
 
La sangre, sobrecargada de toxinas,
circula por los capilares
transportando la sustancia divina.
La sangre se detiene y todo se ilumina.
 
Un momento de absoluta consciencia
atraviesa el cuerpo dolorido.
Momento de júbilo, de pura presencia:
el mundo aparece ante nuestros ojos.
 
 
 
MON CORPS
 
Mon corps est comme un sac
traversé de fils rouges.
Il fait noir dans la chambre,
mon oeil luit faiblement.
J'ai peur de me lever,
au fond de moi je sens
quelque chose de mou,
de méchant, et qui bouge.
 
Cela fait des années que je hais cette viande
qui recouvre mes os. La couche est adipeuse,
sensible à la douleur, légèrement spongieuse.
Un peu plus bas il y a un organe qui bande.
 
Je te hais, Jésus-Christ,
qui má donné un corps.
Les amitiés s'effacent,
tout s'enfuit, tout va vire.
Les années glissent et passent
et rien ne ressuscite.
Je n'ai pas envie de vivre
et j'ai peur de la mort.
 
 
 
MI CUERPO
 
Mi cuerpo es como un saco
surcado de hilos rojos.
La habitación está oscura,
mis ojos brillan débilmente.
Me da miedo levantarme, noto por dentro
algo blando, maligno, que se mueve.
 
Hace años que detesto esta carne
que recubre mis huesos,
de superficie adiposa,
sensible al dolor, levemente esponjosa.
Un poco más abajo , un órgano se tensa.
 
Te odio, Jesucristo,
por haberme dado un cuerpo.
Los amigos se esfuman, todo huye, deprisa.
Los años pasan, se escurren, y nada resucita.
No deseo vivir y la muerte me asusta.
 
 
 
UNE VIE PETITE
 
Je me suis senti vieux peu après ma naissance.
Les autres se battaient, désiraient, soupiraient.
Je ne sentais en moi qu'un informe regret.
Je n'ai jamais rien eu qui ressemble à l'enfance.
 
Au fond de certains bois,
sur un tapis de mousse,
des troncs d'arbre écoeurants
survivent à leurs feuilles.
Autour d'eux se dévelope
une atmosphère de deuil.
Leur peau est sale et noire,
des champignons y poussent.
 
Je n'ai jamais servi à rien ni à quiconque.
C'est dommage. On vit mal quand
on vit pour soi-même.
Le moindre mouvement
constitue un problème,
on se sent malheureux
et cependant quelconque.
 
On se meut vaguement,
comme un animalcule.
On n'est presque plus rien,
et pourtant qu'est-ce qu'on souffre!
On transporte avec soi une espèce de gouffre
portatif et mesquin, vaguement ridicule.
 
 
 
UNA VIDA DE NADA
 
Yo ya me sentí viejo al poco de nacer.
Los demás luchaban, deseaban, suspiraban.
En mí no sentía más que una añoranza imprecisa.
Nunca tuve nada parecido a una infancia.
 
En la profundidad de ciertos bosques,
sobre una alfombra de musgo,
repugnantes troncos de árbol
sobreviven a su follaje.
En torno a ellos se forma
una atmósfera de luto,
en su piel ennegrecida
y sucia medran los hongos.
 
Yo no serví jamás a nada ni a nadie.
Lástima.
Vives mal cuando es para ti mismo.
El menor movimiento
constituye un problema.
Te sientes desgraciado
y, sin embargo, importante.
 
Te mueves vagamente,
como un bicho minúsculo.
Ya apenas eres nada pero,
¡qué mal lo pasas!
Llevas contigo una especie de abismo
mezquino y portátil, levemente ridículo.
 
 
 Callejuela de la ciudad de Xalapa en el estado de Veracruz
(México)

 
HORREUR
 
J'ai peur de tous ces gens raisonnables et soumis
qui voudraient me priver de mes amphétamines.
Pourquoi vouloir m'ôter mes dernières amies?
Mon corps est fatigué et ma vie presque en ruines.
 
Souvent les médecins, ces pustules noircies,
fatiguent mon cerveau de sentences uniformes.
Je vis ou je survis très en dehors des normes.
Je m'en fous. Et mon but n'est pas dans certe vie.
 
Quelquefois le matin je sursaute et je crie.
C'est rapide, c'est très bref, là j'ai vraiment mal:
je m'en fous et j'emmerde la protection sociale.
 
Le soir je relis Kant, je suis seul dans mon lit.
Je pense à ma journée, c'est très chirurgical.
Je m'en fous. Je reviens vers le point initial.
 
 

 
HORROR
 
Temo a toda esa gente razonable y sumisa
que quiere privarme de mis anfetaminas.
¿Por qué quieren quitarme 
 mis últimas amigas?
Mi cuerpo está cansado
y mi vida casi en ruinas.
 
A menudo los médicos,
esas pústulas renegridas,
fatigan mi mente con sentencias monótonas.
Yo vivo, o sobrevivo, más allá de las normas.
Me da igual. Mi meta no radica en esta vida.
 
A veces, de mañana, me sobresalto y grito.
Es rápido y breve, pero lo paso muy mal:
me da igual, y a la mierda la protección social.
 
Por la tarde leo a Kant, estoy solo en mi cama.
Repaso la jornada, ha sido muy quirúrgica.
Me da igual. Vuelvo a estar en el punto inicial.
 
 

 
TOILETTE
 
On pénètre dans la salle des bains
et c'est la vie qui recommence.
On nén voulait plus, du matin.
Seul dans la nuit d'indifférence.
 
Il faut tout reprendre à zéro
muni d'une donne amoindrie.
Il faut rejoeuer les numéros
au bord des poubelles ettendries.
 
Dans le matin qui se transforme
en un lac de néant candide
on reconnait la vie, les formes,
semi-transitions vers la vide.
 
 
 
RETRETE
 
Entras en el cuarto de baño
y vuelve a empezar la vida.
Solo, en la noche de la indiferencia,
no querías ninguna mañana más.
 
Hay que empezar todo desde cero
provisto de peores cartas.
Hay que volver a jugar los mismos números
junto a los cubos de basura ablandada.
 
En la mañana que se transforma
en un lago de cándida nada
reconocemos la vida, las formas,
semitransiciones hacia el vacío.
 
 
"Peaceful morning at Adirondack lake"
Bruce Watson
(Vermont, USA)
 
DERNIERS TEMPS
 
Il y aura des journées
et des temps difficiles
et des nuits de souffrance
qui semblent insurmontables
où l'on pleure bêtement
les deux bras sur le table,
où la vie suspendue
ne tient plus qu'à un fil.
Mon amour, je te sens
qui marche dans la ville.
 
Il y aura des lettres écrites et déchirées
des occasions perdues, des amis fatigués,
des voyages inutiles, des déplacements vides,
des heures sans bouger sous un soleil torride.
 
Il y aura la peur qui me suit sans parler
qui s'approche de moi,
qui me regarde en face
et son sourire est beau,
son past lent et tenace
elle a le souvenir dans ses yeux de cristal,
elle a mon avenir dans ses mains de métal,
elle descend sur le monde
comme un halo de glace.
 
Il y aura la mort tu le sais mon amour.
Il y aura le malheur  et les tout derniers jours
on n'oublie jamais rien, les mots et les visages
flottent joyeusement jusqu'au dernier rivage.
Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.
 
 
 
ÚLTIMOS TIEMPOS
 
Habrá días y tiempos difíciles
y noches de sufrimiento
que parecen irremontables
en que lloramos tontamente
con ambos brazos sobre la mesa,
en que la vida, en suspenso,
se aguanta sólo por un hilo.
Amor mío,
te oigo caminar por la ciudad.
 
Habrá cartas escritas y rotas en pedazos.
ocasiones perdidas, amigos cansados,
viajes inútiles, desplazamientos vanos,
horas sin moverse bajo un tórrido sol.
 
Estará el miedo,
que me persigue en silencio,
que se acerca a mí,
que me mira de frente,
y su sonrisa es hermosa,
su paso lento y tenaz.
El recuerdo se encierra
en sus ojos vítreos.
Mi futuro se encuentra
en sus manos metálicas,
desciende sobre el mundo
como un halo de hielo.
 
Estará la muerte y tú lo sabes, mi amor,
estarán la desdicha y los días finales.
Nada se olvida nunca,
las palabras y los rostros
flotan alegremente hasta la última orilla.
Habrá una añoranza
y luego un imperturbable sueño.
 
[Poemas de Houellebecq, Michel: Poesía, Barcelona, Anagrama,
2012, (traducción de Altair Díez y Abel Hernández Pozuelo), pp. 356]
 
 


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